quarta-feira, 24 de outubro de 2018

UNE VOIE VERS LA PRIERE INCESSANTE - SIMON NOEL OSB


Mais comment maintenir une prière continuelle dans nos multiples activités? Et d'abord combien de temps devons-nous explicitement accorder à la prière actuelle dans nos journées? En soi, la prière habituelle devrait être constante, jour et nuit. C'est le but vers lequel il nous faut tendre. Mais la prière au sens courant de prière actuelle (réciter le chapelet, adorer le Saint-Sacrement, faire l'oraison mentale ou vocale…) ne peut se faire qu'à des moments limités et déterminés. Le bon sens le dit. A la question, il n'y a pas de réponse universelle. Tout dépend de nos devoirs d'état, qui expriment la volonté de Dieu sur nous. Voici à ce sujet ce que nous dit saint François de Sales: "Il nous faut aimer l'oraison, mais il la faut aimer pour l'amour de Dieu. Or, qui l'aime pour l'amour de Dieu n'en veut qu'autant que Dieu lui en veut donner, et Dieu n'en veut donner qu'autant que l'obéissance le permet" (Introduction à la vie dévote, 1ère partie, chap. 26).

Une carmélite dans son couvent aura beaucoup plus de temps pour la prière actuelle qu'une mère de famille nombreuse, dont les tâches sont multiples tout au long de la journée. Mais la vie de prière de la mère de famille pourra être plus intense que celle de la carmélite si elle fait tout son travail pour Dieu, alors qu'elle a peu de loisirs pour s'adonner à la prière actuelle. Prier en travaillant? Il y a les oraisons jaculatoires, qui sont précieuses, et que l'on peut brièvement faire dans ses activités même les plus prenantes. Les moines du désert faisaient des travaux manuels, comme le tressage de corbeilles, qui ne les empêchaient point de prier tout en travaillant. Mais cela est-il faisable encore dans la vie moderne? Pendant des siècles, les travaux en milieu rural se faisaient dans le calme et le silence par la répétition des mêmes gestes simples. Mais de nos jours il n'en est plus ainsi. Il est de bon sens qu'un aiguilleur du ciel dans sa tour de contrôle se doit de se concentrer sur son travail. Mais quand il est dans le train pour se rendre à son travail, il peut fermer les yeux et s'adonner à la prière. En outre ce qui compte dans la prière c'est l'intention. Si j'entre à l'église pour y prier un quart d'heure, et qu'après quelques minutes, un homme tout près de moi a un malaise cardiaque, je dois laisser ma prière et m'occuper de lui et appeler les urgences. Mais l'intention que j'avais de prier ce quart d'heure fait qu'en fait aux yeux de Dieu j'ai vraiment prié un quart d'heure!

La Règle de saint Benoît prévoit que l'oraison sera "brève et pure". "Oratio sit brevis et pura". Mais si la grâce nous inspire de la prolonger, suivons ce que celle-ci nous dicte. Autrement dit, pour dire les choses simplement, saint Benoît marque sa préférence pour une prière courte, fervente et sans distraction, une "bonne petite prière" comme on dit familièrement. Saint Louis-Marie Grignon de Montfort nous dit qu'il vaut mieux dire quelques Je vous salue, Marie, avec une grande dévotion que de débiter un rosaire en pensant à autre chose.

Le Notre Père, la prière la plus haute qui existe, est une prière simple et concise. Dans le sermon sur la montagne, Notre-Seigneur proscrit formellement toute espèce de rabâchage: "Quand vous priez, pas de discours interminables comme en font les païens; ils croient qu'à force de parler ils seront entendus. Ne leur ressemblez pas. Pensez-y; avant même que vous ne demandiez, votre Père sait de quoi vous avez besoin".

Citons ici saint Augustin: "Loin de la prière l'abondance des mots, mais non pas l'abondance de la supplication (…) notre gémissement n'est pas caché pour Celui qui ayant créé toutes choses par son Verbe, ne désire pas le verbiage humain" (cité par le P. Haussher, dans Prière de Vie, malheureusement sans référence exacte).

Nous pouvons alors nous interroger sur l'éventuelle contradiction entre l'invitation à une prière courte et la prière continuelle. La solution, adoptée par beaucoup pour résoudre cette contradiction apparente est celle de la "prière monologique". Il s'agit de prononcer un mot ou une brève formule, mais de la répéter sans cesse, calmement et attentivement. Le contraire est la prière polylogique, faite de nombreux mots, et qui est ce rabâchage proscrit par le sermon sur la montagne

L'Evangile nous en donne des exemples. Le publicain dans le temple ne cesse de répéter; "O Dieu, soyez propice au pécheur que je suis". Jésus en fera l'éloge alors qu'il récusera la prière du pharisien, qui est un beau discours que celui-ci adresse à Dieu. Au jardin des oliviers, la prière de Jésus, modèle de la nôtre, est du même type, une courte invocation, répétée inlassablement: " Père, si c'est possible, que ce calice, s'éloigne de moi. Mais non pas ce que je veux, mais ce que tu veux

Cette prière monologique était celle des moines anciens. Citons saint Jean Climaque: "Que votre prière ignore toute multiplicité… Le bégaiement et la monotonie agréent au Père" (Echelle sainte, 28e degré, 9 et 10).

Cassien conseillera à ses moines de répéter sans cesse: "Dieu, venez à mon aide". C'est sans doute pourquoi tout office monastique commence par ce même verset: "Deus, in adjutorium meum intende".

Ce sera aussi ce que l'orient va développer avec la prière de Jésus, dont la formule la plus ancienne était le Kyrie eleison. En égrenant leur rosaire, les moines et les laïcs pieux de l'orient ne cessent de redire: "Seigneur Jésus-Christ, ayez pitié de moi". Nous allons développer cette pratique de la prière de Jésus la prochaine fois.

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