Quel est le sens de la fête de l’Épiphanie que nous célébrons ce dimanche ? C’est la fête chrétienne qui fait mémoire de l’arrivée des mages à Bethléem auprès de l’enfant Jésus et de la sainte Famille. L’Épiphanie est une manifestation de la divinité de Jésus qui avec son baptême et sa transfiguration seront les trois moments essentiels de cette révélation.
Qui sont ces mages que les peintres italiens ou français ont représentés souvent avec des atours royaux ? Possiblement des hommes plus simples qu’il n’y paraît. L’évangile selon saint Matthieu (Mt 2,1-15) raconte cet épisode étonnant : des hommes sages, astrologues, observent le ciel et les astres au sommet des ziggourats en Mésopotamie. Ils font le lien entre l’apparition d’une étoile particulière et les prophéties juives anciennes qui annonçaient la venue d’un roi. Curieux et chercheurs, ils se mettent en route et l’étoile les conduit vers l’ouest en direction de la Judée, puis jusqu’à Bethléem. Respectueux du protocole et de l’autorité, ils font halte à Jérusalem pour rendre hommage au roi Hérode. Intrigué, ce dernier se fait confirmer par les savants de quelle prophétie il s’agit. Hérode comprend qu’il se passe un fait important qui l’inquiète car il craint que cela ne fragilise son pouvoir. Il leur propose d’aller en avant à Bethléem puis de repasser le voir pour l’informer afin qu’il puisse à son tour saluer ce nouveau-né.
Les mages ne sont pas venus les mains vides. Ils apportaient trois présents, l’or, l’encens et la myrrhe, trois présents de choix pour un roi né humblement dans une étable et couché dans une mangeoire ! L’or dit sa royauté, l’encens sa divinité et la myrrhe prédit sa mort prochaine. C’est d’ailleurs parce que l’évangile décrit trois présents que l’on en a conclus qu’ils sont trois, mais en réalité le texte biblique ne dit pas leur nombre. Aujourd’hui, que seront les présents que nous apporterons au Roi des rois, à celui qui vient parmi nous nous sauver ? Jésus n’attend ni sacrifice ni holocauste. À son époque, offrir un holocauste consistait à brûler entièrement l’objet ou l’animal offert à Dieu. Jésus par l’offrande de sa propre vie rendit caduque tout sacrifice d’animal. Ce qui plaît à Dieu est la miséricorde et l’amour mutuel. Si l’on parle encore d’un sacrifice d’agréable odeur, le seul parfum qui vaut est la charité.
Le récit évangélique dit qu’avertis en songe que l’enfant était menacé de mort, les mages ne retourneront pas voir Hérode. Le roi de Juda entra dans une grande fureur comprenant que ses intentions avaient été dévoilées et ordonna d’aller massacrer tous les jeunes enfants de Bethléem et alentour. Mais Jésus était déjà parti au loin, emmené par son père vigilant, saint Joseph, averti en songe. Ainsi, dès sa venue parmi nous, Jésus voit sa vie être menacée, des innocents sont assassinés, c’est malheureusement l’humanité saisie par le péché et qui vit loin du vrai visage de Dieu qui déchaîne cette violence. En notre époque, c’est encore le cas lorsque des dirigeants politiques et ceux qui détiennent les rênes du pouvoir économique conduisent les affaires du monde sans Dieu, sans se mettre par la prière à l’écoute des appels de l’Esprit, en ignorant la sagesse de la Bible que Dieu a inspirée pour nous conduire à faire le bien. L’humanité devrait être un peuple ardent à faire le bien, or elle se perd dans l’idolâtrie de l’argent, des biens matériels et de l’impureté sous de multiples formes. Certains croient encore que la violence et la guerre sont un moyen d’arriver à leurs fins obscures. L’Écriture sainte révèle que ces choix n’ont jamais conduit à la paix. L’homme contemporain maîtrise de plus en plus les forces de la nature, il l’exploite à son profit en la dominant tel un maître intransigeant. Cela renforce en l’homme la conviction que la vie est entre ses mains, qu’il a le pouvoir de l’utiliser comme bon lui semble, qu’il peut même la supprimer. La sentence de mort d’Hérode est toujours en vigueur. Combien d’Hérode ordonnent la mort ? Heureusement des femmes et des hommes emplis de foi annoncent à temps et à contre-temps que Jésus est présent et que nous pouvons choisir de vivre dans sa lumière. Ainsi peut encore se construire une société de paix et de fraternité, inclusive et respectueuse de toute personne. Des jeunes découvrent actuellement que Jésus leur ouvre un chemin de vie, qu’ils doivent, tels les mages, prendre une nouvelle route, différente, qui les conduira à une renaissance et leur permettra de bâtir une culture nouvelle éclairée par la Parole divine qui invite à nous aimer les uns les autres.
En quoi l’Épiphanie est-elle une manifestation bouleversante ? L’Épiphanie suit la nativité et donc l’incarnation. Ce moment exceptionnel ouvre une nouvelle ère entre Dieu et son peuple : Dieu se fait proche pour parler aux hommes et le fait que ces mages soient des étrangers dit que chacun est destinataire de cette révélation. Cependant comment entendre Dieu nous parler ? N’est-ce pas une interrogation pour nos contemporains ? Personnellement, au commencement de ma rencontre avec Dieu dans un groupe de prière du renouveau charismatique, c’est l’interrogation centrale que j’ai eue, essayant de concilier l’affirmation que Dieu parle aux hommes et ma surdité totale à sa voix. Il me fallut comprendre par quels canaux Dieu s’adressait à moi. Dieu parlait par les prophètes dans les temps anciens. Mais il nous parle de manière particulière par son Fils, le verbe Incarné, qui nous parle et nous enseigne. Nouveau-né déjà, Jésus parle au cœur des mages après avoir touché celui des bergers. Maintenant, c’est à chacun de ceux qui lisent et méditent les évangiles qu’il se révèle et parle à leur cœur, bouleversant leur vie. L’Épiphanie montre que Jésus ne se limite pas à sa communauté religieuse mais qu’il a la volonté de parler aux païens, c’est-à-dire les non-juifs, pour leur dire qu’ils sont inclus dans le projet de salut qu’il apporte et met en œuvre. Toute personne pourra entendre la voix de Dieu si elle médite les Écritures, prie en silence celui qui habite son âme, écoute en vérité l’Esprit l’enseigner. Les mages ont pris la peine de quitter leur lieu de vie, leur travail et leur famille pour aller à la rencontre de Jésus, aussi devrons-nous faire un choix exigeant en donnant la dîme de notre temps pour ces moments quotidiens de prière. Sans cela, ne rêvons pas, nous n’aurons pas cette écoute intérieure, ce cœur à cœur avec Dieu. Nous resterons à la surface de la foi, nous contentant de dire quelques prières du bout des lèvres, nous serons ceux dont Jésus parle en disant qu’ils ont des oreilles et n’entendent pas. La vie spirituelle authentique ne peut pas consister en une écoute extérieure de textes et de mots récités. Elle nécessite l’écoute silencieuse, celle de l’oreille du cœur qui nous permet d’entendre la voix de celui qui est plus intérieur à nous que nous-mêmes. Jésus insiste en disant : « quand tu pries, il te faut entrer dans ta chambre », ainsi désigne-t-il ce lieu intime et intérieur où peut se faire cette rencontre.
Avant de conclure parlons encore de saint Joseph. Quel rôle a-t-il à ce moment, lui à qui sont confiés la Vierge Marie, son épouse et dorénavant leur nouveau-né Jésus ? Dans le récit des mages, Joseph semble en retrait. On n’entend pas sa voix, il n’agit pas explicitement. En réalité, il est le gardien de l’enfant et de sa mère. Il veille « avec un cœur de père » écrivit le Pape François dans une lettre apostolique en 2020 qu’il lui dédia. C’est Joseph qui reçut de l’ange la mission de prénommer cet enfant Jésus. Donner son prénom à un enfant n’a rien d’anodin, cela confirme l’autorité parentale et la responsabilité éducative de Joseph. Dans la précarité de leur vie commune, il apporte tout son concours pour les préserver de la pénibilité de la situation, eux ont dû se réfugier dans une étable, pour se contenter de peu de nourriture pour la jeune maman, pour accueillir dans le calme ceux qui viennent admirer l’enfant-Dieu annoncé aux bergers. Joseph veille sur les siens dans la prière et la vigilance. Humble il est aussi zélé. C’est un jeune père discret, à l’écoute de Dieu, qui l’inspire par la méditation de la Torah et des prophètes, qui lui envoie un ange pour lui donner mission en Égypte de mettre sa famille à l’abri. Jésus disait « Mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de cœur » (Mt 11, 29). Joseph incarna pleinement cette sainte attitude, et aujourd’hui, il est donné à son tour comme modèle de père aimant, travailleur, tendre, courageux et discret ; n’est-il pas inspirant pour les hommes mariés et pères, qui pourront trouver auprès de lui, en relisant le texte du Pape François, des encouragements pour être les premiers éducateurs, avec les mères, de leurs enfants ? Il n’est pas besoin d’une nouvelle Haute Autorité sur l’enfance pour assumer un rôle dévolu aux parents. Vous parents, exercez la haute autorité faite d’amour et de patience pour donner le meilleur à vos enfants, comme la Sainte Famille.
Avec la joie de la fête de l’Épiphanie, en dégustant des galettes des rois, surtout de bonnes galettes traditionnelles, vivez ce moment en famille ou avec des amis, prenez soin les uns des autres, méditez avec vos enfants le récit biblique et donnez-leur le sens de cette visitation des mages à Bethléem. Je prie avec vous en cette nouvelle année pour que votre foi en Jésus-Christ rayonne et apporte à nos sociétés plus de lucidité et d’amour.
Notre-Père.